Comores : le grand-mariage, rite d'une vie qui rythme juillet et août

Aux Comores, la période des grandes vacances rime avec celle du grand-mariage. Rite de passage ultime dans la société comorienne, il se manifeste par des cérémonies fastueuses où convergent dorures et “je-viens”, ces Comoriens de l’étranger qui viennent en nombre pour le célébrer.

La place Badjanani, au cœur de la capitale Moroni située sur l’île de Grande-Comore, est noire de monde massé sous les guirlandes de fanions et d’ampoules. Elle accueille en ce jour de juillet une cérémonie de prières du grand-mariage (madjliss) d’un couple établi au Mans, en France. Par opposition au petit-mariage qui scelle l’union religieuse du couple, le Anda – autre nom du grand-mariage – scelle le statut social. “Le Grand-Comorien naît deux fois. Par la volonté de Dieu et par le Anda”, résume Moussa Said, professeur en histoire et civilisation comoriennes. Le pays, très majoritairement musulman, vit au rythme des festivités du grand-mariage qui cimente l’identité collective comorienne. Plus codifié sur l’île de Grande-Comore, la plus grande des trois îles de l’archipel, l’événement y est aussi plus onéreux. Il s’étale sur plusieurs jours et confère aux époux mais, à l’homme surtout, le statut d’homme accompli ou notable. Lors de l’étape quasi-obligatoire du madjliss, les notables assis au premier rang sont reconnaissables à leurs habits d’apparat et la grande écharpe portée à gauche (mharuma). Le grand-marié du jour, Issa Ali Mze Ahmed, 55 ans, fait son entrée suivi par des hommes de sa famille élargie. La dot destinée à la mariée y est officiellement annoncée, généralement entre 10 et 30 pièces d’or à Moroni.

Jusqu’à 235.000 euros

Damir Ben Ali, anthropologue comorien, avait estimé en 2009 les frais d’un grand-mariage entre 6.000 euros et 235.000 euros. “Coût qui a sûrement augmenté”, d’après lui. Il engloutit souvent les économies de toute une vie. Dans les hauteurs de Moroni, dans la petite localité de Tsidje, Faïd Kassime, un jeune Franco-Comorien habitant La Réunion s’apprête lui aussi à honorer les traditions. Dans le salon de la maison familiale, trônent des parures d’or et autres bijoux destinés à sa femme, Faïzat Aboubacar, 41 ans. Les transferts d’argent de la diaspora correspondent à 30% du PIB national de ce pays de 870.000 habitants, d’après la présidence. Pour la cérémonie d’entrée à la maison (mtro dahoni), Faïd Kassime porte un manteau de velours noir brodé de fils d’or fait main valant jusqu’à 2.000 euros (draguila). Des chants aux sonorités orientales sont entonnés au rythme de percussions. “C’est comme un accomplissement. J’avais vraiment à cœur de faire cette cérémonie. Pour honorer les traditions, les parents et la belle-famille”, indique l’homme de 42 ans. Ainsi paré, Faïd se rend à Moroni, chez sa femme, comblé “de bonheur” d’être “entouré de (ses) proches”. La société comorienne étant matrilinéaire et matrilocale, le foyer conjugal appartient à l’épouse. “Dans notre société, dès douze ans, les hommes entrent dans une hiérarchie. Il y a en tout quatre grades. Après les avoir atteints, on fait le grand-mariage qui marque la fin de l’apprentissage social et l’on prend part aux décisions de la communauté”, fait savoir l’anthropologue. Les sommes dépensées sont faramineuses alors que 45% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, soit un peu plus de 100 euros par habitant et par mois selon l’Institut national de la statistique.

Dernier verre de lait

Les habits portés par les grands-mariés rappellent ceux des sultans comoriens avant le protectorat français au XIXe siècle ; la société comorienne était alors féodale. “Tout le cérémonial du grand-mariage consiste à introniser un nouveau roi”, explique Sultan Chouzour, diplomate et auteur de l’ouvrage de référence “Le pouvoir de l’honneur”. Et de porter l’analyse suivante : “Je pense même que le grand-mariage nous a permis de faire l’économie d’une révolution. Ici, tout le monde peut être sultan”. Dimanche, dans la soirée, la mariée dans une belle robe blanche fait son entrée dans une cérémonie exclusivement féminine, le ukumbi. “Pour la mariée, c’est la consécration. C’est la nouvelle notable. Dans toutes les cérémonies, elle aura droit de cité”, éclaire Faharate Mahamoud, gérante d’une société de construction. La mère du marié, Maria Amadi, y jette des poignées de billets de 50 euros dans une valise. Auparavant, elle avait offert un dernier verre de lait à son fils pour symboliser son départ de la maison. “Je souhaite à toutes les mamans de vivre ce que je vis, témoigne cette gouvernante d’hôtel à Moroni. Surtout pour un enfant, né en France, élevé en France, qui a accepté de faire ce que nous parents et grands-parents avons fait.”

Faïza SOULE YOUSSOUF


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