A Mayotte, l'eau reste toujours un problème

La saison sèche approche de la fin à Mayotte : après un épisode 2023 catastrophique, l'archipel français de l'océan Indien a échappé au pire cette année mais les habitants restent privés d'eau un jour sur trois, en attendant le lancement d'une usine de dessalement controversée. "Le problème n'est pas qu'il n'y a pas d'eau, c'est qu'on ne sait pas la gérer", peste Racha Mousdikoudine, présidente du collectif "Mayotte a soif" : "A ce rythme, on aura des coupures d'eau à vie. Il faut trouver des solutions".   

Des solutions, c'est ce qu'a présenté mi-septembre la préfecture de Mayotte, accompagnée des élus locaux et des acteurs de l'eau, en faisant le point sur son Plan eau Mayotte 2024-2027 lancé en pleine crise. Premier volet de ce plan, la réparation des fuites et la modernisation du réseau d'eau potable qui jusqu'à récemment laissait s'échapper 40% de l'eau potable du département. Des réparations "indispensable pour pouvoir préserver la ressource et poursuivre la modernisation du réseau", selon un communiqué de la préfecture.   

Dans le même temps, une nouvelle campagne de forage a été entamé pour trouver des ressources hydriques supplémentaires. A l'heure actuelle, 80% de l'eau consommée à Mayotte est apporté par les eaux de rivières et deux lacs artificiels recueillant l'eau de pluie. Insuffisant, s'accordent à dire les acteurs du domaine. "La consommation quotidienne estimée est de 45.000 m3 mais le territoire ne peut produire au maximum que 40.000 m3 en moyenne", regrette Jérôme Josserand, directeur de la direction de l'environnement, de l'aménagement, du logement et de la mer (Dealm).   

Une situation appelée à perdurer jusqu'à la mise en service d'une nouvelle usine de dessalement prévue sur la côte est de l'île, qui devrait fournir à terme 10.000 m3 supplémentaires par jour au réseau. Mais sa construction, prévue pour démarrer cet été, a été reportée. Sa mise en service, envisagée initialement à l'été 2025, interviendra au plus tôt en "fin d'année 2025", précise Stereau, filiale du groupe Saur, qui vient de décrocher ce marché à 36 millions d'euros.    

- Lagon menacé ? -    

La préfecture du 101e département français, qui intègre le projet dans son nouveau plan eau 2024-2027, précise que "les études de conception se poursuivent et qu'une étude d'incidence environnementale est en cours et sera mise à disposition du public dans quelques semaines pour permettre à chacun de s'exprimer sur le projet". Car cette usine fait l'objet de vives contestations liées au lieu où elle a été implantée, Ironi Bé. "La saumure qui sera renvoyée dans le lagon sera très concentrée et la baie d'Ironie Bé est l'un des endroits du lagon où l'eau se renouvelle le moins", dénonce un chercheur ayant travaillé sur le projet, qui souhaite rester anonyme.   

Plusieurs associations craignent que le lagon de Mayotte, joyau de biodiversité de 1.100 km2, soit menacé.   Dans une lettre adressée au préfet de Mayotte François-Xavier Bieuville, les trois principales associations environnementales de l'île alertent sur l'impact "sur la diversité biologique du lagon, qu'il s'agisse des mangroves, herbiers, coraux et animaux marins".   

"Cette usine comporte de gros risques. Nous demandions à ce que les rejets de saumure se fassent hors lagon, cette proposition a été visiblement écartée pour des questions de coûts. Pour l'heure, nous n'avons pas les garanties suffisantes", estime Michel Charpentier, président de l'association Les Naturalistes de Mayotte, qui regrette un projet "loin d'être abouti".   

Fin août, le préfet avait écarté auprès de la presse mahoraise ces inquiétudes. "Des études scientifiques ont démontré que dans un rayon de 800 m autour de la buse de rejet, l'eau est plus salée de 1%, ce qui s'amenuise au fur et à mesure que l'on s'éloigne", avait-il déclaré, cité par les médias locaux. Le parc naturel marin de Mayotte, qui oeuvre pour la préservation du milieu marin, n'a pas rendu son avis sur ce projet.


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