Qu’est-ce qu’être Français ?” La classe politique française se déchire à nouveau sur la question migratoire, notamment autour d’une éventuelle remise en cause du droit du sol, sous la pression d’une extrême droite qui en fait un cheval de bataille contre l’immigration.
Le fragile gouvernement du Premier ministre centriste François Bayrou, en poste depuis décembre dernier, affiche lui-même ses divisions sur le sujet.
Le ministre de la Justice Gérald Darmanin, issu de la droite, a estimé jeudi que “le débat public (devait) s’ouvrir sur le droit du sol dans notre pays”. Il a cependant été contredit quelques heures après par une autre figure majeure du gouvernement, la ministre de l’Éducation et ex-Premier ministre Elisabeth Borne, issue de la gauche.
Vendredi, le Premier ministre François Bayrou a finalement souhaité un débat “plus large” en réponse à la question : “Qu’est-ce que c’est qu’être Français ?”
“Qu’est-ce que ça donne comme droit ? Qu’est-ce que ça impose comme devoir ? Qu’est-ce que ça procure comme avantages ? Et en quoi ça vous engage à être membre d’une communauté nationale ? À quoi croit-on quand on est Français ?” s’est-il interrogé.
Personnalité centriste opposée de longue date au Rassemblement national (RN, extrême droite), M. Bayrou avait déjà repris il y a une dizaine de jours le vocabulaire de ce parti en évoquant un “sentiment de submersion” migratoire en France.
Cette nouvelle déclaration illustre combien la question de l’immigration divise profondément le pays. Le RN, première force politique à l’Assemblée nationale, voit son discours progressivement adopté par une partie de la droite traditionnelle.
Une révision du droit du sol en débat
La remise en cause du droit du sol est l’une des principales revendications du RN.
À l’instar des États-Unis et d’une trentaine d’autres pays, la France applique le droit du sol (jus soli), en complément du droit du sang (jus sanguinis). Actuellement, il permet à un enfant né en France de parents étrangers d’obtenir la nationalité française dès l’âge de 13 ans, à condition d’avoir résidé sur le territoire depuis au moins cinq ans.
Ce débat a une résonance particulière aux États-Unis, où le président Donald Trump a récemment signé un décret visant à restreindre le droit du sol, bien que ce texte ait été bloqué jeudi par un juge de Washington.
“Innommable” : la gauche dénonce une surenchère populiste
En France, une large partie de la droite s’est ralliée à la proposition du RN, qui nécessiterait une révision de la Constitution de 1958.
Ainsi, après Laurent Wauquiez, chef des députés du parti Les Républicains, l’eurodéputé François Bellamy a déclaré vendredi que “dans la situation migratoire que nous vivons, le droit du sol n’est plus tenable”. Cet ancien professeur de philosophie en banlieue parisienne a également estimé que les jeunes Français issus de l’immigration récente n’avaient pas reçu “les conditions essentielles pour devenir vraiment Français”.
À l’inverse, la gauche accuse le gouvernement et la droite de se livrer à une surenchère populiste pour capter l’électorat d’extrême droite. “C’est en ce genre d’après-midi que les choses évoluent et glissent vers l’innommable”, a dénoncé le député de la gauche radicale Éric Coquerel lors d’un débat houleux jeudi sur le droit du sol à Mayotte.
Mayotte, au cœur de la polémique
Pourquoi cet archipel de l’océan Indien, situé à 8 000 km de Paris et récemment dévasté par un cyclone, est-il au centre des tensions ?
Parce qu’il fait face à une immigration clandestine massive, notamment en provenance des Comores voisines. Sur ce territoire de 300 km², plus de 320 000 habitants s’entassent, rendant la situation démographique explosive.
Depuis 2018, une dérogation au droit du sol existe déjà à Mayotte. Le texte voté jeudi, soutenu par la droite, le parti présidentiel centriste et l’extrême droite, durcit encore les conditions d’obtention de la nationalité française. Désormais, les enfants nés à Mayotte ne pourront être Français que si leurs deux parents (et non plus un seul) résident en situation régulière sur le sol français depuis trois ans (contre trois mois auparavant).
Pour la députée socialiste Colette Capdevielle, ce texte ouvre “une brèche” dans le principe même du droit du sol en France.
Une crise amplifiée par le climat politique
Fin janvier, le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) appelait à plus de mesure dans le débat.
“La France compte à peine environ 11 % d’immigrés, c’est-à-dire de personnes nées étrangères à l’étranger”, avait-il rappelé, jugeant “pas raisonnables” les discours alarmistes sur la question migratoire.
Alors que le débat s’enflamme et que l’extrême droite progresse dans les sondages, l’immigration reste l’un des sujets les plus clivants du paysage politique français.
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