En politique, "il faut laisser le temps au temps", disait François Mitterrand. Une maxime déclinée avec application par François Bayrou à Matignon. Méthode salvatrice pour ses soutiens, reflet de son inaction pour ses détracteurs.
"Nous avons quelque chose d'incroyable en politique : nous avons un peu de temps." Mercredi, le ministre de l'Économie, Éric Lombard, assurait le service après-vente du "comité d'alerte budgétaire" tenu la veille. À l'issue, le Premier ministre a présenté les grandes données de l'économie française. Manière de préparer les esprits à un budget de tous les dangers, avec 40 milliards d'économies à trouver et des choix attendus autour du 14 juillet.
"Opération de communication", ont dénoncé l'Association des maires de France, qui a boycotté la séance, et la CGT qui y a participé. Le gouvernement vante son initiative comme une présentation très en amont des débats budgétaires, inédite, mais qui passe aux yeux de ses détracteurs comme une nouvelle manœuvre dilatoire avant d'entrer dans le vif des sujets qui fâchent. Depuis son arrivée à Matignon, les critiques sont légion sur le thème de l'inaction pour un Premier ministre qui, susceptible d'être censuré à tout moment, chercherait avant tout à gagner du temps, comme l'illustrerait par exemple le "conclave" sur les retraites.
"Bayrou ne fait que survivre et il le fait bien", ironise, à droite, un dirigeant de LR. "Il a le sentiment que seul lui pouvait être là, dans cette crise politique", mais "il ne fait rien", abonde, à gauche, un cadre du PS. Jusqu'au bloc central, dont est issu le Premier ministre. "Malgré le contexte politique, on a quand même besoin d'impulsion. Et il ne se passe rien, à part le narcotrafic et la fin de vie", juge sévèrement un député Renaissance.
"Dans l'opinion, le procès en immobilisme est très fort." Et "le président de la République est excédé", ajoute un deuxième député macroniste. "On n'est plus dans l'ère imposée depuis Sarkozy, réaction-action, un événement se produit, boum, on pond une loi. C'est inefficace au possible. On change complètement de paradigme", défend son entourage. Qui vante le retour au premier plan de la concertation avec les partenaires sociaux et l'ambition de Matignon d'un budget "base zéro", "nouvelle méthode" refusant de partir de l'exercice précédent.
– Décisions terriblement impopulaires –
François Bayrou s'est chargé mardi de rappeler le "contexte politique" quand il a formé son gouvernement : "nous n'avions pas de majorité. Le gouvernement de Michel Barnier avait été renversé. Nous n'avions pas de budget pour l'action publique, encore moins de budget pour l'action sociale et 84 % des Français jugeaient que le gouvernement ne passerait pas le mois".
"Nous avons dû, en cinq semaines, surmonter six motions de censure (...) fait adopter des textes importants", comme la loi d'orientation agricole, la loi d'urgence pour Mayotte, la loi sur le narcotrafic. "En tout 21 textes différents", a plaidé le chef du gouvernement. L'absence de majorité à l'Assemblée ne permet pas d'avancer sabre au clair. "Quand je suis arrivé, on m'a dit : c'est fini les projets de loi. Aujourd'hui, on fait des PPL (propositions de loi, d'initiative parlementaire). Il n'y a quasiment plus de projets de loi présentés en Conseil des ministres, qui sont d'ailleurs de plus en plus brefs", explique un ministre.
Le pouvoir serait donc passé entre les mains des parlementaires. Le budget adopté le 6 février, avait d'ailleurs expliqué la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin, "n'est pas le budget du gouvernement", qui a tout de même employé le 49.3 à l'Assemblée. Méthode de nature à éviter la censure ? La perspective est déjà évoquée par les oppositions, PS compris.
"François Bayrou ne veut pas du sang et des larmes", assure un membre de son gouvernement. "Il faut un Premier ministre qui assume des décisions terriblement impopulaires. Dont on s'interroge sur sa capacité à le faire", explique de son côté un ministre issu de la droite. "Mais il a toujours parlé de la situation budgétaire, ça a toujours été une constante dans son discours. À mon sens, il ne se déjugera pas."
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